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« La Cour de Strasbourg doit avoir plus de respect »déclare Renate Jaeger (**):Interview du 28 octobre 2004 par « taz »


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Déclaration du 28 octobre 2004 -Interview du 28 octobre 2004 par «taz» ( Tageszeitung, * Berlin)

« La Cour de Strasbourg doit avoir plus de respect »déclare Renate Jaeger (**)

La Cour Européenne des Droits de l´Homme de Strasbourg (CEDH) et la Cour Constitutionnelle de la République Fédérale Allemande se font concurrence quant à la protection de la Constitution. La CEDH ne doit pas trop en faire - mais Karlsruhe a aussi renforcé la CEDH.

taz : Frau Jaeger, vous êtes encore juge à la Cour de Karlsruhe. A dater du 1er novembre , vous prenez place à la CEDH de Strasbourg. Craignez-vous un accueil hostile?

R. Jaeger : non, pourquoi ?

Karlsruhe a déclaré la semaine passée que les jugements de la Cour de Strasbourg ne doivent pas en Allemagne être de manière générale suivis mais seulement être pris en considération.Strasbourg a aussitôt répliqué : Il est bien évident que les jugements de Strasbourg font autorité. A quand la confrontation ouverte ?

R. J. : Il n´y aura pas de combat. La déclaration de Karlsruhe est le début d´un bon dialogue.

Et quelle est la position de Karlsruhe à ce sujet ?

R. J. : Une cour internationale comme celle de Strasbourg doit veiller aux particularités nationales. Quand elle néglige les particularités culturelles ou de droit fondamental d´un pays, elle va au devant de problèmes d´acceptation.

Donc Strasbourg a trop peu de respect ?

R. J. : La CEDH de Strasbourg a déjà souvent pratiqué une réserve intelligente. Ainsi a-t´elle plus ou moins accordé à la France un espace d´appréciation quand elle veut tolérer les naissances « anonymes » - même dans les cas où cette pratique peut être difficile à supporter pour les enfants ainsi nés. Justement dans de telles questions qui relèvent d´une éthique subtile, la CEDH ne peut pas être trop astreignante car l´Europe doit grandir « ensemble ».

Dans le différend concret entre Karlsruhe et Strasbourg s´agit- il de droits de paternité extraconjugale…. ?

R. J. : Dans ce cas également, l´Europe est encore bien éloignée de convictions partagées unanimement. Ainsi, il n´y a pas si longtemps, les droits des enfants « illégitimes» étaient encore très différents .

N´est-il pas dangereux que vous plaidiez, dans le cadre des questions de Droits de l ´Homme, pour le respect des particularités nationales ?Car, dès lors la Turquie pourrait également prétendre que la torture dans la surveillance policière est bien ancrée dans sa culture.

R. J. : Je ne vois pas ce danger. Car pour la torture, cela se situe dans les relations de citoyen à Etat. Ici prévaut le principe « du régime préférentiel ». Cela signifie : le citoyen est-il mieux protégé par les droits fondamentaux nationaux, c´est donc ces droits qui prévalent. La Convention Européenne des Droits de l´Homme donne plus de protection, donc elle devient la Mesure.

En va t´il autrement dans la paternité illégitime ?

R. J. : Nous avons ici une relation multipolaire entre personnes privées. Il s´agit ici des droits du père à peser contre ceux de la mère et de l´enfant. Il faut encore aussi penser aux parents adoptifs ou qui ont pris en charge l´enfant. Pour qui ou à qui s´applique le principe du « régime préférentiel » ?

Il s´agit ici d´appréciations difficiles, dans lesquelles Strasbourg ne doit intervenir que lorsque le problème, sur le plan national, « sort des rails » et est devenu intraitable.

Cela est-il aussi valable pour l´autre point de discorde avec Strasbourg, soit l´autorisation des photos visant la vie privée des personnes connues (célèbres )? Strasbourg est pour une plus grande protection de la vie privée de ces dernières.

R. J. : Oui. Ici aussi, il s´agit de l´appréciation , de l´approche différente concernant les citoyens jouissant des droits fondamentaux. D´une part la Presse , qui veut « rapporter », d´autre part les personnes célèbres qui veulent la protection de leur vie privée. Là, Strasbourg pourrait aussi faire confiance au contrôle de la Cour Constitutionnelle de la République Allemande.

En tireriez-vous une règle générale ?

R. J. : Naturellement. La CEDH est très surchargée, il est donc préférable qu´elle se concentre sur les états dans lesquels le contrôle interne est trop peu développé étant donné qu´il n´y existe aucun tribunal constitutionnel.

La décision de Karlsruhe doit donc être entendue surtout comme un signal par Strasbourg ?

R. J. : Non ; la presse a interprété cette déclaration de manière non nuancée. La Cour Constitutionnelle de la RFA a voulu signifier à la Cour de Strasbourg son rôle d´assistance et préciser aux cours nationales d´être attentives à la jurisprudence de la CEDH.

C´était pourtant évident….

R. J. : Il ne s´agit pas seulement des jugements qui ont eu lieu dans des cas concrets.

Les tribunaux allemands doivent, de manière générale, s´orienter selon les réflexions fondamentales de la jurisprudence de Strasbourg, tout comme ils le font déjà aujourd´hui avec la jurisprudence des Cours Suprêmes allemandes.
Karlruhe se présente ainsi comme « exemple » à suivre ?

R. J. : Il me paraît certain qu´à l´avenir, chaque décision prise par la Cour Constitutionnelle de la RFA sera étudiée sous l´angle des respects des jurisprudences de ses propres tribunaux comme de celles de Strasbourg. Ainsi seront évités à l´avance toute possibilité de conflit.

La décision de Karlsruhe de la semaine dernière a t´elle renforcé ou affaibli le rôle de la CEDH ?

R. J. : Soit dit entre les lignes, Strasbourg en est sorti renforcé.

Identifiez-vous comme juge de la Cour Constitutionnelle de la RFA ou comme future juge de la CEDH ?

R. J. : Je suis toujours juge auprès de la Cour Suprême de la RFA.

INTERVIEW : CHRISTIAN RATH

*« taz » = « Tageszeitung » , journal quotidien de qualité, d´ origine gauche- alternative, fondé il y a 25 ans et proche du mouvement vert-écologique.

** Renate Jaeger, juge à la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe après une carrière professionnelle en droit social ; choisi en 2004 par les partis de gauche comme juge à la Cour Européenne des Droits de l´Homme de Strasbourg - CEDH

Remarque : ainsi la torture morale des enfants (naissances anonymes- France) ferait partie de la culture francaise .....Ne vaut-elle pas la torture pratiquée en Turquie?

A quoi sert dès lors « La Charte des Droits de l'Homme » si chacun y va « de sa culture »?